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Le Pont de Babel-Sérail

Le Pont de Babel-Sérail

Compréhension contextuelle et intellectuelle de l'islam. Dialogue philosophique inter-religieux et inter-culturel. Quête de l'essence, de la science, de la conscience et de la quintessence.


Vie sur Mars

Publié par Issalian K. sur 10 Avril 2013, 10:54am

Catégories : #Divers

Vie sur Mars

Vie sur Mars : avec Curiosity, la Nasa revisite la théorie de l'œil neuf de Montesquieu

Modifié le 14-03-2013

Par Francis Métivier, philosophe

LE PLUS. La vie pourrait bien avoir existé sur Mars. En tout cas la vie microbienne. C'est ce que nous révèlent les analyses de l'échantillon prélevé par le robot Curiosity envoyé par la Nasa sur la planète rouge. À quand la preuve que des petits bonhommes verts fourmillent dans l'univers ? Et pourquoi souhaite-t-on leur existence ? Réponse philosophique avec Francis Métivier.

L'analyse de l'échantillon prélevé par Curiosity prouverait que les conditions propices à la vie ont existé sur Mars (NASA/SIPA).

L'analyse de l'échantillon prélevé par Curiosity prouverait que les conditions propices à la vie ont existé sur Mars (NASA/SIPA).

"Life on Mars ?"… Décidément, Bowie revient en force. La question de la science est la question "comment ?". Comment démontrer la vie sur Mars ? Que mettre rationnellement et technologiquement en œuvre ? La question de la philosophie, quant à elle, est "pourquoi ?". Pourquoi chercher à savoir s’il y a une vie sur cette planète ?

Savoir ce que nous avons d'humain

Et quel type de vie voudrions-nous y trouver ? En toute logique, une vie qui se démarque de la nôtre, et qui se démarque même des autres formes du vivant sur terre. Mais, en même temps, une vie qui, du moins intellectuellement, nous soit proche. Aussi, ce n’est pas tant une autre vie ailleurs, que nous cherchons, qu’une intelligence pouvant avoir sur nous-mêmes un regard neutre. Une intelligence pouvant nous dire qui nous sommes vraiment. Et peu importe sa forme, qu’elle soit une autre sorte de cerveau, une matière inconnue, une masse protoplasmique incongrue, un engin cybernétique ou une lumière insaisissable.

Au fond, c’est de l’empathie, que nous recherchons. Un être venu d’ailleurs qui serait capable de se mettre à notre place pour nous comprendre et nous aider à répondre à l’interrogation première (ou dernière) : qui suis-je ? Qu’avons-nous d’humain ? En quoi notre humanité peut-elle bien consister ? Nous sommes à la recherche d’une autre intelligence dans l’univers, qui soit un agent de notre reconnaissance, qui nous dise sinon objectivement du moins avec distance ce que nous valons.

Ce n’est pas Mars qui nous intéresse, c’est nous. Mars est l’espérance d’un miroir. La preuve, nous nous attachons à deux fois rien : un morceau d’argile. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ; un seul échantillon de matière vous comble et tout est repeuplé. Du moins dans notre monde imaginaire. La science ne s’intéresse à son objet que dans la mesure où il renseigne sur ce que nous sommes, sans jugement et sans louange, dans un fond de narcissisme cependant.

Hélas, nous n’échappons pas, dans notre quête de la vie sur Mars, à la tentation anthropomorphique. Même les personnages les plus étranges de la littérature et du cinéma fantastiques, même les plus verts, même les plus immondes esthétiquement, les plus monstrueux, les plus froids, les plus métalliques, les plus numériques, les plus visqueux, et même les plus gentils, nous ressemblent. Nous les créons artistiquement à notre image et nous les désirons scientifiquement également à notre image.

Des "Lettres persannes" à Curiosity

Après avoir épuisé, pour ainsi dire, l’exploration sur terre des lieux de l’autre où un regard étranger pouvait se présenter à nous (nous savons aussi ce que de cette démarche a pu avoir de catastrophique…), c’est sur les mondes d’ailleurs que nous nous tournons désormais, à la recherche d'une autre intelligence hypothétique, trop souvent incapables d’apporter à nous-mêmes, au travers de notre diversité, le reconnaissance que nous désirons tant.

Au fond, la Nasa a revisité la théorie de l’œil neuf de Montesquieu, la méthode du regard nouveau, étranger. L’idée a commencé modestement. Dans les "Lettres Persanes", l’autre n’est pas le martien mais le terrien venu d’ailleurs. L’Orient est la planète Mars du XVIIIe siècle du point de vue de l’Européen. Le Persan à l’œil perçant est l’autre capable de s’étonner, dans la distanciation et la neutralité, de notre société occidentale, nos modes de vie, notre alimentation, nos habits, etc.

Dans les pas de Montesquieu, le réaliste Voltaire procédera à une extrapolation imaginaire, à un décentrement radical du point de vue. Avec "Micromégas", l’œil neuf est un œil extraterrestre. Le géant vient de Sirius, mais aussi de Mars, par où il est passé. C’est donc un semi-martien ! Le projet philosophique du conte est énoncé dans le "Traité de Métaphysique" :

Je vais tâcher, en étudiant l’homme, de me mettre d’abord hors de sa sphère et hors d’intérêt, et de me défaire de tous les préjugés d’éducation, de patrie, et surtout des préjugés de philosophe.



Je suppose, par exemple, que, né avec la faculté de penser et de sentir que j’ai présentement, et n’ayant point la forme humaine, je descends du globe de Mars ou de Jupiter. Je peux porter une vue rapide sur tous les siècles, tous les pays, et par conséquent sur toutes les sottises de ce petit globe. [...]



Descendu sur ce petit amas de boue, et n’ayant pas plus de notion de l’homme que l’homme n’en a des habitants de Mars ou de Jupiter, je débarque vers les côtes de l’Océan.

Tout est dit… Ce "petit amas de bout", ce fragment d’argile, ce géant à nos pieds. Tant d’espoirs de connaissance… de soi. "Malaxe", chantait Bashung ; avec "un peu de glaise", "on s’est hissés sur un piédestal, et du haut de nous deux on a vu, et du haut de nous deux on a vu". Vu quoi ? Nous.

Le pourquoi de l'argile

La presse n’hésite pas à écrire que "la Nasa a publié un communiqué un tantinet exagéré sur les dernières découvertes de son robot mobile Curiosity" et qu'elle "exagère donc un peu dans sa présentation". D’un peu de terre scientifiquement analysée, sont sommes à deux doigts d’avancer que l’on a scientifiquement démontré l’existence d’une vie sur Mars.

C’est logique : se limiter à l’exposé de données scientifiques et technologiques serait succinct (on a analysé un morceau d’argile, bon…) ou trop abstrait (mathématique). Il faut donc que, sous la science ou en arrière-fond, pointe le questionnement philosophique : pourquoi ?

Pourquoi porter autant d’intérêt à la composition d’un morceau d’argile ? Parce que, de lui, les déductions sont, dans l’ordre de la foi scientifique, prometteuses… Un morceau d’argile. Donc de l’eau et de la terre. Donc des minéraux. Et une rivière ancienne. Et donc des microbes. Et donc des êtres vivants, avec des cellules, un corps.

Mais les êtres qui auraient pu s’abreuver à cette source ne sont plus là. Partis. Ce qui est toutefois fascinant est de les imaginer. D’imaginer aussi ce qu’ils auraient pour nous dire, nous dire sur nous-mêmes.

Alors, mytho, la science ? Disons : littéraire !

Source: Nouvel Observateur

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